Voyageant entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, Lhasa de Sela gagne une reconnaissance internationale avec la sortie de son premier album, La Llorona, en 1997. Mais c’est aux Bobards, lieu emblématique de la scène culturelle montréalaise, que l’histoire commence, alors qu’Yves Desrosiers et Lhasa partagent sur scène leur passion pour la musique, via des chansons mexicaines et quelques classiques du jazz tel que Fever.
« J’ai rencontré Lhasa en juillet 1991. Elle devait avoir environ 18 ans. À cette époque, je jouais avec Jean Leloup et ça l’impressionnait beaucoup. Puis moi, je la trouvais super drôle », témoigne le compositeur, multi-instrumentiste, arrangeur et réalisateur Yves Desrosiers.
L’idée de faire de la musique ensemble n’est toutefois arrivée qu’un an et demi plus tard, alors que Desrosiers rencontre Lhasa par hasard, assise à une terrasse de la rue Saint-Denis.
« On a discuté, elle ne savait pas trop si elle allait demeurer à Montréal ou non. Puis elle a dit quelque chose comme "I wanna sing". Je me suis retourné vers elle et lui ai dit "Ah bon, tu chantes ?". Je ne le savais pas. Donc, je lui ai proposé de faire un bout d’essai. Elle a chanté surtout des standards jazz mais j’étais toujours un peu perplexe. Puis à un moment donné, on est entré dans les chansons bossa nova brésilienne comme Corcovado, One Note Samba... Là, j’entends quelque chose de différent. J’entends une espèce de... quelque chose... je ne sais pas, c’est venu me chercher », se remémore Desrosiers.
Cette première rencontre marque le début d’une série de performances dans des bars montréalais, où leur projet musical commence à prendre forme et à évoluer. Enregistrées à la fin de l’hiver 1994, les 12 chansons inédites, directes et aux arrangements épurés, dévoilent les prémices du son unique que Lhasa et Yves allaient perfectionner pour l’album La Llorona. Le jeu de guitare distinctif d’Yves, mêlant divers styles avec une touche mexicaine, soutient parfaitement Lhasa, lui permettant de développer sa propre voix.
« Dans le disque qui sort, il y a surtout sa personnalité à elle », insiste le polyvalent musicien montréalais.
« Ce que je trouve important aussi, c’est qu’on entend cette énergie qu’on avait à cette époque, qu’on voulait traduire sur scène. C’est pour ça que sur ce disque, on entend encore des standards de jazz, et aussi des chansons latinos. Et puis oui, quand j’écoute ces chansons-là, elles viennent encore me chercher, même après toutes ces années.
J’ai retrouvé les choses qui étaient importantes d’entendre là-dedans, c’est-à-dire cette énergie, cette volonté, cette urgence. C’est pour cela que j’ai accepté qu’on fasse paraître ces morceaux, parce que ça traduit très bien nos débuts. C’est tel quel, je n’ai rien retouché parce que je ne voulais pas perdre l’essence de l’histoire, la vérité de nos débuts. Évidemment, avec Lhasa qui n’est plus là, c’est beaucoup plus émouvant, se désole Yves Desrosiers qui estime toutefois que ce nouvel album est en quelque sorte un présent pour tous ceux et celles qui ont été envoûté.e.s par la musique de Lhasa, ou qui le seront. »
Cet envoûtement, l’artiste multidisciplinaire Lousnak l’a ressenti, dès sa première rencontre avec celle qui deviendra par la suite sa grande amie.
Je suis tombée sous le charme, carrément. Je comprends cette attraction que les gens ont eue pour elle, mais je n’arrive pas à l’exprimer en paroles... C’est cet envoûtement que j’ai du mal à décrire que les gens pourront voir sur la pochette que j’ai réalisée pour ce nouvel album. Ce que je ressens, ce que j’essaye d’expliquer, je l’ai mis là… C’est comme si… Comment je peux décrire ça ? C’est comme si elle a un petit doigt dans l’univers, branché direct dans l’énergie astrale. Lhasa a tout mis dans son art, parce qu’elle était un tout. Elle n’était pas un peu ceci ou un peu cela, Lhasa a toujours été un tout. Je pense qu’on le ressent, qu’on l’a toujours ressenti et qu’on va continuer de le ressentir.